Tuesday, October 24, 2006
Fais pas ton Jean Gabin!
"Les Fils de l'Homme" ("Children of Men"); d'Alfonso Cuaron.
Londres 2027. La Grande-Bretagne est devenu un état policier, totalement refermé sur lui-même. Les immigrés sont reconduits aux frontières et parqués dans des camps. Le monde extérieur est entre les mains des terroristes. La population est devenue stérile...
Et l'on vient d'apprendre la mort de l'homme le plus jeune du monde (né 18 ans plus tôt).
Dans cette ambiance d'apocalypse, un ancien activiste est recontacté par ses ex-compagnons d'armes afin de les aider à sortir du pays une jeune femme enceinte.
L'avenir de l'humanité?
Dire que l'on est loin d' "Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban", le précédent opus de Cuaron, est un délicat euphémisme.
Finis les artifices, les effets spéciaux à outrance et les décors gargantuesques: ici on tourne à l'économie, visiblement tant par choix artistique que pour de vraies raisons financières.
On use (et abuse?) du plan séquence, la photo et le cadre font dans le plus pur style documentaire - proche du reportage de guerre - et la majorité du film est tourné en rase campagne.
Ce traitement permet en tout cas de maintenir la tension tout au long d'une histoire qui ne manque par ailleurs pas de pleins et de déliés.
Pour ce qui est de la SF, on repassera aussi.
C'est tout juste si le futur est suggéré par une customisation ultra cheap des véhicules et la présence de quelques écrans plasmas pour faire genre.
Mais Londres donne l'impression d'être en proie à une gigantesque grève des éboueurs, le ciel est lourd et bas, des colonnes de fumée s'élèvent à l'horizon et les prés sont parsemés de bûchers ou brûlent les cadavres d'animaux.
L'ambiance est oppressante et l'on comprend bien vite que l'on est plus proche d'un film d'anticipation "à la Orwell" que de "Star Wars" et de ses sabres-lasers.
On pense beaucoup à "Brazil", l'humour en moins... Et bizarrement à certains épisodes de "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" pour le côté bricolé, un peu système D...
A "V pour Vendetta" aussi. Bien que plus à la BD qu'à sa version filmée.
Passée l'introduction pétaradante qui brosse en trois flash infos et une explosion le portrait pessimiste d'une société en voie de disparition, le film se perd en une longue exposition avant de bifurquer brutalement vers une sorte de course-poursuite échevelée qui laisse malheureusement tomber en chemin les enjeux pourtant passionnants du film.
Quid par exemple de cette stérilité qui frappe la population comme une malédiction? On n'en connaitra jamais l'origine, le réalisateur préférant se focaliser sur la cavale de Theo (Clive Owen, presque trop sobre) et de sa protégée.
Entre-temps, Michael Caine cabotine en vieux hippie fan d'electro-indus, Peter Mullan en fait des tonnes en militaire pas si gentil qu'il n'en a l'air et Julianne Moore est evacuée en deux scènes et trois coups de cuillère à pot.
Heureusement, le propos se recentre dans la dernière demi-heure, une fois que l'on arrive dans le véritable camp de concentration où sont parqués les immigrants et autres clandestins.
On pense évidemment beaucoup à Guantanamo.
Trop peut-être, tellement le trait est parfois forcé.
Mais la tension et le malaise sont bien présents, culminant au cours de la scène la plus forte du film: le siège d'un immeuble et son bombardement par l'armée "régulière".
Difficile ici de ne pas penser à l'ex-Yougoslavie ou plus encore à l'imbroglio tchétchène.
Dommage qu'une fois de plus un final christique et tire-larmes vienne noyer ces louables efforts pour rendre crédible et pertinent un film d'anticipation toutefois solide et original.
Alors, "Les Fils de l'Homme" une semi-réussite?
Peut-être...
En tout cas un film politique ambitieux mais qui passe à côté de son sujet par une volonté trop affirmée de cèder aux sirènes du film de genre et une tentative presque désespérée de ne pas perdre son public en cours de route malgré une structure atypique et bancale.
Reste un parti prix esthétique audacieux, remarquable et original dans ses moindres détails (citez moi un autre film d'anticipation où l'on entend du King Crimson), qui procure un vrai plaisir du point de vue strictement cinématographique.
Une oeuvre hors normes s'il en est.
Un film d'action qui pense.
Peut-être pas trop, peut-être pas assez...
Mais qui pense.
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
4 comments:
Voilà qui est réglé (mais je prendrais quand même pas la peine de te répondre en anglais, tu sais, impérialiste de mes deux boules).
on ne dit pas boules mais vitoulets, Monsieur Yougo
Et on ne dis pas "impérialiste" mais "impérialissss".
Post a Comment