Sunday, November 19, 2006




Fais pas ton Jean Gabin!

"Le Dahlia Noir" ("The Black Dahlia"); de Brian De Palma.

Los Angeles, 1947. Les officiers de police Bucky Bleichert et Lee Blanchard sont chargés d'enquêter sur le meurtre de la jeune starlette Elizabeth Short, retrouvée atrocement mutilée dans un terrain vague sur les hauteurs d'Hollywood...

Ce n'est pas un hasard si James Ellroy, écrivain obsessionnel s'il en est, s'est attaqué en ouverture de son désormais célèbre "Quatuor de Los Angeles", à l'histoire tragiquement vraie d'Elizabeth Short et de son meurtre sordide et toujours irrésolu.
Le crime n'est en effet pas sans rapport avec la propre vie de l'écrivain dont la mère fût assassinée dans des conditions tout aussi mystérieuses une dizaine d'années plus tard...
Un crime resté lui aussi impuni et qui déterminera le parcours chaotique de l'écrivain jusqu'à hanter ses premiers romans.

Quoi de plus normal, dès lors, que d'en confier l'adaptation à Brian De Palma, cinéaste lui aussi connu pour ses obsessions (manipulation, voyeurisme...) et dont le goût pour le film de genre, toujours à la limite de la citation, est évident?

Construit à la fois comme un gigantesque puzzle et comme un hommage aux films noirs des années 40-50, "Le Dahlia Noir" est une oeuvre complexe et malsaine, à la fois magistrale et bancale, un grand film malade et hanté traversé d'éclairs de génie et dérapant parfois à la limite du grotesque.
Servi par la maestria visuelle et technique de De Palma, le film est riche en morceaux de bravoure (le plan-séquence du début sur l'émeute raciale, la scène de l'escalier et surtout la découverte, filmée à la grue, du corps d'Elizabeth Short) et en pétages de plombs baroques, à la limite du kitsch (le repas chez les Linscott, la résolution finale toute en flash backs) qui donnent à l'ensemble une apparence de démesure quasi schizophrène.

L'enquête en elle-même, extrèmement alambiquée, tient en haleine. Mais sa forme gigogne contraint le spectateur à être toujours sur ses gardes sous peine de se retrouver rapidement largué.
Qu'importe! L'effort en vaut réellement la chandelle tant est grand le plaisir de voir se dérouler devant nous ce sinueux serpent noir, implacable de magnétisme.

Finalement, le seul véritable défaut du film est peut-être son interprétation.
Non que les acteurs soient mauvais, bien au contraire: il est même intéressant d'assister au grand écart réalisé par Hilary Swank entre son précédent rôle de boxeuse et la femme fatale qu'elle incarne ici.
Mais on leur a visiblement trop laissé la bride sur le cou, ce qui donne lieu à quelques grands moments de cabotinage, à peu près un par acteur principal (sans parler de Fiona Shaw, bien entendu. Mais là ce n'est plus du cabotinage, c'est de l'art).

En fin de compte, la seule à réellement tirer son épingle du jeu c'est la trop rare Mia Kirshner (photo) dans le rôle-titre.
Son interprétation toute en finesse de la pauvre petite fille perdue promise à un destin tragique est tellement chargée en émotion qu'on s'en souvient longtemps après la projection.

Au bout du compte, "Le Dahlia Noir", en restant à la fois fidèle au bouquin d'Ellroy et à l'univers de De Palma constitue un polar pervers et gentiment barré, peut-être moins solide que ne l'était "L.A. Confidential" mais suffisamment intriguant que pour valoir le coup d'oeil.

Et rester fixé sur la rétine...

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