Wednesday, September 20, 2006


Fais pas ton Jean Gabin!

"La Jeune Fille de l'Eau" ("Lady in the Water"); de M. Night Shyamalan.

Pour se remettre d'un drame personnel, Cleveland Heep, rondouillard et bégayeur, a accepté un poste de concierge dans une sorte de HLM privé (sic!) de la banlieue de Philadelphie.
Une nuit, il découvre une jeune fille dans la piscine du bâtiment. Celle-ci se révèle rapidement être une sorte de nymphe aquatique, personnage de conte de fées qu'il faudra aider à regagner son monde en dépit des dangers qui la guettent.

Jusqu'ici, j'étais plutôt fan de Shyamalan.

On pouvait écrire tout ce qu'on voulait sur lui: gloubiboulga mystico-naïf, manipulation, morale douteuse, effets faciles, protectionnisme... Totalitarisme même!
Rien n'y faisait!
Le bon client que je suis se régalait assez de ses scénarios à twists et de son indéniable sens de l'image.

La déception est donc ici à la hauteur de l'attente.

On l'avait quitté avec "Le Village" en se disant qu'il était sans doute temps pour lui de se renouveler, faute de quoi il allait finir par tourner en rond.

Il a du se dire la même chose puisqu'il nous livre ici une sorte de film-charnière. Lequel jouera sans doute un rôle important dans la suite de sa filmographie. Ou en tout cas dans le choix de la direction que prendra celle-ci.

Et le moins qu'on puisse dire c'est que ça n'augure rien de bon...

Certes, il faut garder à l'esprit que le scénario est tiré d'un conte qu'il a écrit pour ses enfants. Mais est-ce que ça excuse vraiment le fait que, d'entrée de jeu, le film sombre dans une espèce de cucuterie de compète?
L'histoire est plate, ridicule et téléphonée. Très vite, la naïveté se transforme en maladresse.
Les personnages secondaires sont inexistants, les tentatives d'humour pitoyables (le chicano qui ne se muscle qu'un côté du corps. Ah ah!), les rebondissements ahurissants (le Gamin Qui Lit Les Signes Dans Les Boites de Cornflakes, lui-même fils du Type Qui Voit l'Avenir Dans les Mots Croisés, voyez le genre...) et la morale christique une fois de plus... douteuse.

Alors oui, on peut y voir une réflexion de Shyamalan sur son statut de "créateur" et sur son oeuvre en général, à travers ce personnage principal qui doit en quelque sorte écrire l'histoire, la caster et la mettre en scène pour pouvoir aider sa protégée.

Mais ça n'en devient que plus gènant.

Que penser en effet de ce personnage de critique abject ou du fait que le réalisateur se soit réservé une espèce de rôle de gourou destiné à changer le monde et à mourir en martyr?
Et surtout que penser de ce ton, qui hésite toujours entre premier degré et humour (involontaire?) jusque dans les effets spéciaux, totalement grand-guignolesques?

Un film parodique à force de se prendre au sérieux?

Mystère et boule de bite!

Reste que d'un point de vue strictement technique le film se situe loin au dessus de tout ce qui se fait dans le genre. Avec un sens de l'image et de la mise en scène exceptionnels, magnifiés par la photo de Christopher Doyle, proprement sidérante.

Niveau interprétation, Paul Giamatti emporte tout sur son passage, un peu comme d'habitude, et Bryce Dallas Howard, physiquement presque transparente, fait finalement beaucoup avec peu de choses.
Mention spéciale à Sarita Choudury, dans le rôle de la femme du gourou-écrivain, la seule à déballer un grand numéro même quand elle est quasiment hors champ...

En fin de compte, un conte un peu neu-neu, un peu plat, un peu douteux... Pas désagréable à regarder mais oubliable presque aussitôt.
Dommage quand on considère la somme des talents investits.

En conclusion, Monsieur Shyamalan, et comme le disait mon prof de math à l'approche de la Toussaint: il est déja temps de vous ressaisir, mon gaillard!

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